Le plaisir construit le couple

Le plaisir construit le couple (extrait court)

[...] Créer sans cesse le plaisir

Le plaisir du couple n'est pas du tout accessoire. Peut-on dire : "Je t'aime, mais ton plaisir m'indiffère" ? "Je t'aime mais je n'ai plus envie de te faire plaisir" ? "Je t'aime, mais mon plaisir ne dépend pas de toi" ? Le moyen le plus naturel (si ce n'est le plus facile !) de se montrer son amour, c'est de créer du plaisir ensemble, de rester amoureux et... jeune ! Bien sûr, les relations sexuelles en sont une expression privilégiée, mais tous les autres plaisirs peuvent prendre cette tonalité spécifique où éclate la connivence profonde du couple. Ces moments de plaisir, comme nous l'avons vu sur le plan personnel, recentrent le couple sur lui-même et nourrissent son désir de vivre ; plus trivialement, c'est le carburant dont j'ai déjà parlé.

Aussi faut-il prendre soin de ce plaisir ! Quand il nous est donné avec facilité, alors profitons-en et réjouissons-nous. Quand la période est sombre, que les difficultés s'accumulent, recherchons-les avec espoir et persévérance, notre couple en a besoin pour vivre.

Danièle Balmelle, Conseillère conjugale de l'A.F.C.C.C., Revue Alliance, n°120 Le Plaisir

Le plaisir construit le couple

Quand un couple s'ennuie ensemble, il est en danger. Savoir créer ou recréer des moments de plaisir est essentiel.

L'apprentissage du plaisir

Plaisir et déplaisir sont de l'ordre de la sensation, du ressenti corporel. Il paraît que le déplaisir est même la première sensation. Etre expulsé par une voie plutôt étroite dans ce vaste monde où il faut savoir immédiatement respirer, fait crier le nouveau-né. Ces cris que la mère, l'entourage entend avec joie, sont pour lui le signe de sa première détresse ; détresse que la chaleur d'un sein maternant va calmer. Ainsi d'un mal être, d'une sensation désagréable va naître le premier plaisir : le plaisir est ce qui ramène le bien-être, ce qui le redonne, l'augmente. Mais le bébé ne sait pas encore que "ce" qui lui fait plaisir, le réchauffe, le rassure est un autre. Car pour l'heure, tout est lui ; il n'a pas encore intégré la distance, la séparation même si elle vient de s'inscrire en lui douloureusement. Il peut croire que cette béatitude retrouvée quand il sourit aux anges, comme l'on dit, ne lui vient que de lui. Mais tout plaisir n'a-t-il pas toujours cette fonction de nous recentrer sur nous-mêmes ? D'ailleurs, quand un plaisir intense nous envahit, y a-t-il en nous, à ce moment-là, de la place pour l'autre, pour autre chose ? Avoir du plaisir, refaire plaisir est le moyen par lequel l'être humain éprouve et nourrit son désir de vivre et réciproquement c'est son désir de vivre qui lui permet de créer des plaisirs. Cette interaction constitue l'histoire de chacun avec la vie et le plaisir, histoire qu'il lui faudra comprendre un peu pour la communiquer. Car si l'enfant apprend à se faire plaisir tout seul, il découvre vite qu'il a besoin des autres pour accéder à d'autres plaisirs, pour combler d'autres manques. C'est dans sa famille, dans les groupes auxquels il s'intégrera, à l'école, qu'il apprendra à gérer plaisir et déplaisir, qu'il passera de la dépendance quasi totale du départ à une interdépendance, à des formes de réciprocité. A travers ses études, ses activités, avec des copains, des amis, il élargira le champ de ses plaisirs et, bien sûr, il deviendra amoureux... Qu'en est-il du plaisir alors ?

Les plaisirs de l'amoureux

Etre amoureux, c'est découvrir qu'un autre, choisi, élu devient la source principale de son plaisir. "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé". Tous les autres plaisirs perdent de leur saveur et l'expression populaire "Il en perd le boire et le manger" rejoint le constat du poète. Comme le nourrisson envers sa mère, l'amoureux(se) attend tout de celle/celui qu'il aime : même dépendance à un objet unique mais, cette fois, non par besoin vital mais par désir, désir en grande partie mystérieux. L'amoureux(se) en même temps a envie d'être comme la mère qui prend plaisir à sa relative toute-puissance pour combler son bébé ; être celui/celle qui sait répondre aux attentes de l'autre, voilà une ambition bien gratifiante narcissiquement et dynarnisante. Quand il y a rencontre, réciprocité de deux élans amoureux, un couple naît. Dans cette relation intense se concentrent alors tous les plaisirs déjà connus avec la perspective d'en découvrir d'autres ensemble. Chacun apporte avec lui son histoire, sa culture familiale, ses expériences qui ont modelé en lui, souvent à son insu, sa capacité à se faire plaisir et à faire plaisir. Cet ajustement de leur mutuelle capacité se fait en général assez vite ; chacun fait découvrir à l'autre ses lieux de plaisir. C'est ainsi que l'on peut voir des jeunes femmes accompagner leur mari au foot et des hommes "faire les vitrines" avec leur épouse. Peu à peu, le tri se fait entre les plaisirs qui les réuniront et ceux qui resteront personnels.

Les évolutions possibles ou nécessaires

Mais cette organisation peut provoquer des malentendus, des jalousies, des tensions qui bloquent l'un, choquent l'autre ; enfin ils deviennent ainsi de moins en moins aptes à découvrir de nouveaux plaisirs ensemble et même à profiter des anciens. C'est une crise qu'il faut dépasser. Quand dans un couple les déplaisirs l'emportent sur les plaisirs, le moteur du couple va manquer de carburant. Quand un couple s'ennuie ensemble, il est en danger.

Pour illustrer la complexité des organisations spontanées des échanges de plaisir dans le couple nous prendrons un exemple.

Voici un jeune couple où très vite, dès leur rencontre, les accords se sont faits : lui a le rôle de celui qui assure, qui rassure, qui fait plaisir ; elle, c'est l'enfant admirative qui reçoit, qui se fait gâter. Bien sûr, leur histoire respective explique cette répartition, en quoi elle se justifie, en quoi l'un et l'autre en avaient besoin. Cependant cet équilibre a une fragilité certaine à cause de la rigidité des rôles. En lui, la partie "petit enfant" n'est pas prise en compte par son épouse ; pour elle il manquera les gratifications du plaisir donné, la valorisation de cette position oblative. Que peut-il se passer alors ? Quelle évolution possible ?

Des difficultés professionnelles, l'arrivée des enfants, des deuils, enfin des chocs affectifs, peuvent modifier la relative douceur de leur système. Elle le soutient dans des épreuves, il découvre sa capacité maternante auprès de leurs enfants, chacun porte un regard nouveau sur l'autre et leurs attentes mutuelles évoluent.

Mais ils peuvent aussi ne pas avoir envie de changer et trouver ailleurs qu'entre eux les autres plaisirs qui leur manquent. En restant la femme-enfant, la femme-objet pour son mari, elle devient une mère exemplaire très investie par ses enfants. Et lui si paternel envers sa femme, sera un père copain et cette alliance avec les enfants satisfait son côté enfant. Enfin, il peut y avoir un ailleurs du système familial : lui se fait materner par sa mère qu'il n'a jamais tout à fait quittée, ou auprès d'une amie, dans une liaison. Elle choisit une profession où son côté altruiste s'épanouit sans qu'elle se sente envahie grâce aux limites du cadre professionnel. Mais elle peut aussi prendre un jeune amant...

Tous ces scénarios fictifs peuvent se multiplier. Mais celui qu'un couple en chair et en os trouve, ne l'est pas par hasard ; car il est le résultat de leur capacité à gérer entre eux et ensemble le plaisir. Certaines formes peuvent nous paraître étonnantes, bizarres, même désagréables. Je pense aux couples sadomasochistes qui sont relativement stables, même si (ou parce que) leur façon de se faire plaisir révèle un dysfonctionnement certain de chacun, qui explique leur attrait mutuel.

Créer sans cesse le plaisir

Le plaisir du couple n'est pas du tout accessoire. Peut-on dire : "Je t'aime, mais ton plaisir m'indiffère" ? "Je t'aime mais je n'ai plus envie de te faire plaisir" ? "Je t'aime, mais mon plaisir ne dépend pas de toi" ? Le moyen le plus naturel (si ce n'est le plus facile !) de se montrer son amour, c'est de créer du plaisir ensemble, de rester amoureux et... jeune ! Bien sûr, les relations sexuelles en sont une expression privilégiée, mais tous les autres plaisirs peuvent prendre cette tonalité spécifique où éclate la connivence profonde du couple. Ces moments de plaisir, comme nous l'avons vu sur le plan personnel, recentrent le couple sur lui-même et nourrissent son désir de vivre ; plus trivialement, c'est le carburant dont j'ai déjà parlé.

Aussi faut-il prendre soin de ce plaisir ! Quand il nous est donné avec facilité, alors profitons-en et réjouissons-nous. Quand la période est sombre, que les difficultés s'accumulent, recherchons-les avec espoir et persévérance, notre couple en a besoin pour vivre.

Danièle Balmelle, Conseillère conjugale de l'A.F.C.C.C., Revue Alliance, n°120 Le Plaisir